Au milieu de toutes les prescriptions de ce qu’il faut ou ne pas faire, de notre histoire personnelle, de celle de notre conjoint.e, il peut arriver que notre petite boussole intérieure s’affole et nous embarque sur des chemins éducatifs douteux… voire toxiques dans certains cas… Nous espérons ne pas rajouter une couche supplémentaire de culpabilité dans cet article… Vu la prévalence immense du burnout parental dans nos pays, nous insistons pour que la lecture soit emprunte de douceur et d’un questionnement bienveillant autour de nos pratiques éducatives. Être parent en 2023, c’est héroïque… Les enfants, c’est aussi merveilleux qu’épuisant… Le tout agrémenté d’un contexte sociétal rempli d’anxiété et d’incertitudes… nous avons bien dit héroïque…
Autoritarisme, happycratie, surprotection, violence intrafamiliale, ambivalence sont les cinq attitudes que nous allons passer en revue dans cet article dont l’objectif est tout simplement l’exploration du parent que nous sommes.
Et si nous commencions par questionner notre enfance… Qu’avons-nous aimé ? Que nous reste-t-il de délicieux ou de plutôt douloureux ? Les coup de poing sur la table, se faire tirer par le col, les claques qui se perdent, les portes qui claquent, les cris, les critiques excessives… Il peut arriver à tout le monde de s’emporter… mais si l’on voit l’éducation comme un match dans lequel, les parents sont les gagnants et les enfants sont les perdants… cela risque de ne pas être très marrant… Le « c’est comme ça et c’est pas autrement »… L’autoritarisme à outrance n’a plus sa place… Il base la relation sur la peur, crée de l’anxiété chez l’enfant qui va devenir de plus en plus inhibé pour correspondre aux attentes. Autre option : la rébellion… Ce qui engendre une montée infernale sur l’échelle de « c’est moi qui ai raison », pour terminer en se cassant la figure. Une issue souvent terrible et des cœurs brisés pour longtemps qui vont donner lieu à des modes relationnels basés sur le pouvoir et la méfiance… Est-ce vraiment ce que nous souhaitons ?
A l’extrême inverse, l’happycratie… Un monde où l’on veut à tout prix que son enfant soit heureux tout le temps et à tout prix… Les réseaux sociaux alimentent ce fantasme de devenir le parent tellement génial qui passe sa vie à faire des bricolages magnifiques, dont les enfants sont beaux, propres et heureux h24… La course pour atteindre cet idéal tout simplement inatteignable est rude… pour l’enfant qui n’embarquera pas à coup sûr dans vos propositions et pour le parent pour qui à coup sûr vivra un échec… car enseigner à ses enfants que la vie c’est génial tout le temps, c’est éduquer avec une poker face… cela manque d’authenticité. C’est lui apprendre qu’avoir peur c’est dangereux, qu’être triste ou en colère c’est mal… C’est l’empêcher de vivre et de se connecter à son courage pour affronter les épreuves de l’existence… or il devra en surmonter… Personne n’est épargné… On peut dès lors s’interroger en tant que parent sur notre propre gestion émotionnelle… Nous connectons-nous à nos peurs, notre colère, notre tristesse ? ou voyageons-nous aussi le plus possible au pays des licornes pour éviter de vivre ces passages à vide qui nous traversent ?
Dans la même veine, on peut se montrer surprotecteur à l’égard de sa progéniture. Cela peut être de faire à sa place des choses qu’il est tout à fait capable de réaliser seul : l’habiller, le laver,… et dans certains cas, le faire dormir dans le lit conjugal chaque fois qu’il fait un cauchemar… L’idée ici n’est absolument pas de juger mais peut être de s’interroger sur les résultats d’une attitude surprotectrice… Pourquoi agissons-nous ainsi ? Cela ne nous donne-t-il pas une sensation de super héros lorsque nous « sauvons » notre enfant de la peur ? Ces petits moments où l’on continue de s’occuper de lui comme un petit, ne sont-ils pas des moments de soin qui nous donnent de l’amour et de l’affection… Nous surprotégeons souvent nos enfants pour nous rassurer plus que pour les protéger… Prendre conscience de cette dynamique, c’est un pas de géant car la connivence et la complicité avec notre enfant nous pouvons la nourrir de 1000 autres façons… Lui offrir l’opportunité d’être autonome, c’est lui ouvrir les portes de la liberté… Et oui, cela nécessite de pouvoir envisager qu’un jour votre petit poussin va s’envoler…
La surprotection peut aussi se manifester par le fait de l’empêcher de faire des activités qui nous effrayent en tant que parent : aller sur une attraction trop haute à la plaine de jeux, rouler à vélo, l’envoyer seul faire une course, faire du ski, du skateboard ou de l’escalade par exemple… Or le dépassement de soi amène l’enfant à plonger dans ses ressources, à allumer sa vigilance, à trouver des solutions, à persévérer malgré les chutes et à sentir qu’il a en lui tout pour réaliser ses rêves… Parfois en pensant bien faire, nous brisons les ailes de nos enfants… car même si chuter ou galérer pour attacher ses lacets est une sensation désagréable qu’on aimerait tant leur éviter, cela fait tout simplement partie de l’existence…
On peut parler aussi des violences intrafamiliales… même si les gestes ou les disputes se passent entre parents et que les griefs ne sont pas adressés à l’enfant, les effets sont exactement les mêmes… Voir ses parents se déchirer sous ses yeux est extrêmement douloureux et destructeur pour l’enfant avec de vraies fractures psychiques comme de la dissociation, des troubles cognitifs, du mutisme… Il peut bien sûr arriver que l’on se dispute avec son conjoint mais si c’est répétitif et que la dispute dégénère en violence… il y a lieu de réfléchir à comment sauver la peau de chacun… car probablement que personne ne s’y retrouve dans le scénario qui est en train de se jouer…
Un dernier profil serait celui de l’ambivalence… Ces aller-retours entre extrême bienveillance et agressivité piquante… Cela peut être d’offrir monts et merveilles, de complimenter, de vraiment très bien soigner son enfant… Et puis de le lui reprocher… « Après tout ce que j’ai fait pour toi… » ou de lui balancer des toujours et des jamais… « Tu ne fais jamais d’efforts », « Avec toi c’est toujours comme ça… » … Cette ambivalence consciente ou inconsciente peut diminuer l’estime de soi de l’enfant en lui donnant la sensation qu’il n’est jamais à la hauteur et qu’il est responsable de votre mal être…
Une fois ces constats posés, on fait quoi ?
On pose un genou par terre et on se connecte à notre humilité et à notre humanité… Nous sommes fait de paradoxes et de vulnérabilités, alors questionnons nos certitudes, rencontrons-nous, des rendez-vous avec soi, on n’en a pas beaucoup dans la vie… Regardons ces parts de nous qui sont plus sombres et prenons en soin… Ce chemin vers soi, vers nos angoisses et nos détresses, c’est accepter de ne pas toujours faire bonne figure, de ne pas toujours avoir un beau visage… c’est le début de votre plus belle histoire d’amour avec vous-même. Cela peut nous bousculer au début, et puis toute cette conscience de notre propre mécanique peut devenir douce et amusante. On peut faire de nos douleurs quelque chose d’extraordinaire… Car souvent, en tant que parent, on assure et de ça, nous pouvons être fiers… et lorsqu’on est armé de sa vulnérabilité, on devient alors invincible…cela donne accès à soi. Comme pour nos enfants, reconnaître que quand on se plante, on apprend… Acceptons de ne plus être à la merci du regard et du désir des autres… Ne reproduisons pas ce que nous avons reçu mais donnons ce que nous avons envie de donner. Offrons nous des récréations de temps en temps pour recharger nos réservoirs tellement sollicités par la société. Et enfin remercions nos enfants qui nous permettent d’être tellement plus que ce que nous sommes.
Valentine Anciaux a co-créé Psychoeducation.be avec Stéphanie de Schaetzen. Cette plateforme développe et partage du contenu et des outils concrets et variés pour aider petits et grands à grandir, à l’aide de quatre pôles :
- Les événements en présentiel : des conférences, des formations, des colloques, etc.
- Les formations en ligne : des conférences et formations en ligne.
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- Des médias : une newsletter ; une conférence-spectacle « J’irai au bout de mes rêves » ; une Gazette ; des livres et des jeux qui aident à grandir ; un documentaire ; un podcast ; etc.
Par Valentine Anciaux de Psychoeducation.be
Bio :
Valentine Anciaux a étudié la psychologie en Belgique et a complété sa formation par un Master en psychoéducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières. En parallèle de Psychoeducation.be, elle exerce en consultation privée auprès d’enfants et d’adolescents présentant des troubles d’apprentissage et des troubles du comportement, afin de proposer un soutien à l’éducation aux parents. Elle donne également des formations aux enseignants et aux intervenants psychosociaux sur les approches innovantes en gestion de la motivation, de l’estime de soi, de troubles du comportement, troubles d’apprentissage et Trouble Déficitaire de l’Attention (TDA/H).