En 2015, j’ai été à l’initiative de l’ouverture de l’école dynamique à Paris, et celle-ci a inspiré un mouvement d’ouverture d’une quarantaine d’écoles démocratiques en France, où les enfants font ce qu’ils veulent. Oui, littéralement.
Le public peu averti est alors traversé par des images peu glorieuses. Un revival des hippies qui se laissent dominer par leur enfant-roi et laisseront à la société des assistés irresponsables ? Des anarchistes qui veulent détruire l’école publique et fabriquer des futurs marginaux en sécession avec le reste du monde ? Des communicants néo-libéraux qui essaient de vendre à une caste de déjà-dominants le rêve américain de l’entrepreneur indépendant hyper-créatif, et qui perpétuent un entre-soi élitiste ?
Comme tout pionnier, nous avons alors dû sans cesse expliquer le sérieux de notre démarche afin que nos établissements et notre idéal éducatif survivent à la pression de l’entourage des familles et celle de l’institution. Cet article est une tentative, une fois encore, de clarifier cette démarche que je pratique depuis 5 ans et à laquelle je réfléchis chaque jour qui passe.
Ce en quoi je crois fondamentalement, c’est que :
1. Chaque être humain aspire à la souveraineté (liberté).
2. L’éducation est une question de survie dans le milieu ambiant (sécurité).
Le défi de la parentalité et de l’éducation est une recherche permanente d’équilibre entre liberté et sécurité. A quel point puis-je laisser l’enfant librement vaquer à ses jeux et ses centres d’intérêt ? A quel point dois-je l’aiguiller, l’encourager, le stimuler, le convaincre, le persuader voire le forcer à prendre sur lui, sur sa pulsion spontanée de jouer, afin d’acquérir l’instruction et les diplômes dont il a besoin pour sa survie et sa réussite sociale ?
Mon parti pris est radical : vu qu’il est impossible de connaître assurément l’instruction dont l’enfant a besoin pour sécuriser son avenir, et vu que la nature est suffisamment bien faite pour avoir déjà doté l’enfant de la manière la plus puissante d’apprendre et de s’adapter à son milieu (le jeu libre), je choisis de remettre à l’enfant l’entière responsabilité de ses propres choix, y compris celle de son instruction. Je reconnais l’enfant comme une personne a part entière, qui saura découvrir par lui-même ce a quoi il aspire, le sens de sa vie, le savoir et la culture qu’il souhaite acquérir, le métier qu’il souhaite exercer et comment s’y prendre pour tout cela.
Les seules règles que le collectif lui imposent, par un processus de démocratie directe dans lequel il a sa part de pouvoir, sont celles qui garantissent un vivre-ensemble harmonieux, non-violent et respectueux de chacun. Les ressources dont l’enfant est doté pour atteindre ses objectifs d’apprentissage sont, comme pour toute personne, celles qui sont banalement disponibles autour de soi :
1. des personnes inspirantes et compétentes dans divers domaines.
2. divers médias, outils et technologies au sens large.
Pour qu’un milieu facilite l’évolution de l’être humain, je crois également qu’il est crucial que les âges soient mélangés, idéalement du nourrisson jusqu’au vieillard, et que toute la communauté soit ancrée dans l’effort permanent de déconstruire les schémas de domination des plus âgés sur les moins âgés. En libérant l’enfant de rapports habituellement hiérarchiques où il est systématiquement dominé et soumis aux consignes du maître, on lui permet d’évoluer par immersion dans sa culture, imprégnation de ce que les plus matures et expérimentés lui transmettent par l’exemple, et en servant soi-même d’exemple et d’horizon pour les moins matures que soi.
En synthese, mon parti pris sur les conditions idéales pour l’éducation du jeune être humain sont :
1. 100% de temps libre, notamment pour jouer autant que l’on veut.
2. Un cadre qui s’efforce de garantir le respect de chaque individu quelles que soient ses particularités et ses excentricités, qui protège sa sécurité physique, psychologique et sociale.
3. Un milieu où tous les âges, niveaux de maturité et d’expérience entrent en connexion et en relation.
Si vous êtes motivé(e) pour en savoir plus, il existe plusieurs ouvrages, formations et immersions dans des établissements de ce type. Je vous souhaite une belle exploration.
