Désormais, nous avons la chance de mieux comprendre certains comportements de nos jeunes et ainsi de les accompagner avec plus de justesse dans leurs différences. De plus, la définition de ces fonctionnements particuliers, bien qu’encore incomplète, permet des adaptations aidant non seulement le jeune mais l’ensemble de son système familial et (péri)scolaire car s’il est en souffrance, la répercussion systémique qui en résulte affectera toute la famille et jusqu’à son environnement périphérique.
Les origines de l’hypersensibilité sont nombreuses et interactives entre elles, ce qui rend délicat une compréhension fine. Pour ma part, je la considère d’abord comme une « puissance du cœur », soit une capacité naturelle supérieure à ressentir et non un problème à éradiquer. Ainsi et à la lumière d’une vision plutôt holistique, il s’agirait d’une compétence ou d’une intelligence interpersonnelle et émotionnelle innée et prédominante chez certains (voir les travaux en neurosciences d’Howard Gardner sur les différents types d’intelligence). L’intensité de cette intelligence entrainant malheureusement des difficultés dans le quotidien d’un jeune.
Par ailleurs, le vécu de l’enfant représente de surcroît d’innombrables influences pouvant favoriser l’émergence et le développement de l’hypersensibilité. En cause, l’ambiance de la petite enfance, l’éducation ou encore l’attachement. L’éventuelle mémoire de vécus traumatiques sur-dynamisera la sensibilité de n’importe quel jeune mais particulièrement celui ayant déjà une prédisposition innée à l’hypersensibilité. Les capacités cognitives naturelles de l’enfant sont également à considérer car sa façon de percevoir une situation, qui n’est souvent pas objective, est forcément en cause dans l’interprétation de son comportement. Ces capacités étant elles-mêmes le fruit des vécus déjà cités, mais également de l’état de son organisme (alimentation, système hormonal, sommeil…), c’est dire la difficulté à traduire les sources de ce fonctionnement.
Au sens courant, l’hypersensibilité désigne une très forte sensibilité en particulier à trois grands types de stimuli :
- Sensoriel (toucher : un effleurement peut être insupportable, un son : agressif, une odeur ou un goût : nauséabond, une lumière trop vive : intenable)
- Emotionnel (perception et expressivité décuplées : joie, tristesse, anxiété, etc., réceptivité exacerbée de ce qui entoure : ambiance énergétique, émotions des autres, etc.)
- Intellectuel (pensées, autocritiques, doutes constants et épuisants).
A noter que les formes d’hypersensibilité évolueront selon l’âge de développement. Par exemple, un enfant peut manifester un simple inconfort dans ses premières activités collectives, puis vraiment chercher à s’y soustraire en grandissant et jusqu’à totalement les refuser à l’adolescence, tant elles produisent en lui de désagréments. Sachant que l’on peut être hypersensible à un ou plusieurs stimuli, il faudra donc les identifier pour ensuite mettre en place des adaptations envisageables, quoiqu’il en coûte parfois… Je peux ici témoigner également en qualité de maman. Ce n’est qu’au fil des années que cette particularité chez ma fille fût décelée. En bas âge, je trouvais certains de ces comportements plutôt attendrissants puis à son entrée au collège, tout a basculé après plusieurs mésaventures humaines qui ont eu raison de son équilibre émotionnel. La pleine expression de son hypersensibilité a alors jailli de façon volcanique. Je ne saurai dire ce qui est le mieux pour tous, mais je n’ai pas souhaité la soumettre au processus d’un diagnostic, bien trop lourd pour elle à ce moment-là. Nous avons alors cherché ensemble jour après jour comment nous adapter aux différentes vagues émotionnelles qui la submergeaient.
Deux décisions majeures ont permis de la protéger : un transfert en cours de seconde vers en lycée alternatif à taille humaine et pédagogie personnalisée puis inévitablement une déscolarisation en terminale tant son hypersensibilité à la critique et à l’échec la tétanisaient à l’approche du BAC. Isolée à la maison, j’ai alors décidé de lui offrir un cheval (elle était déjà cavalière) auprès duquel elle s’est reconstruite au fil des mois, grâce aux merveilles de l’équithérapie. Les chats sont également de très bons régulateurs chez les enfants hypersensibles, tout comme la nature. La pratique de la sophrologie l’a également aidée, de même qu’un accompagnement thérapeutique. Une crise d’un an s’est écoulée et cette jeune adulte de 18 ans est à présent très consciente des situations pouvant provoquer en elle ces « tsunamis » intérieurs, qu’elle prend soin aujourd’hui de contourner elle-même ou de simplement doser avec de plus en plus d’agilité. Elle a surtout accepté la spécificité de son fonctionnement et réalise déjà que pouvoir ressentir ce que d’autres ne perçoivent pas, peut devenir une force et une aptitude qui lui servira dans le choix de ses relations, d’un métier ou encore d’un lieu de vie.
Parents et éducateurs au fait, peuvent donc ensemble soutenir le jeune hypersensible dans l’accueil et les adaptations requises à son fonctionnement singulier. Pas à pas, il déculpabilisera surement de comprendre qu’il ne s’agit ni d’une pathologie, ni d’une faiblesse mais d’une compétence hors norme à apprivoisée. Et surtout, sans doute finira-t-il par réaliser qu’il est invité plus précocement que les autres à apprendre à se connaître, ce qui finalement me semble être un des facteurs les plus déterminants pour développer l’estime de Soi et l’« ouverture de cœur ».
Marie Facchineri
Marie Facchineri s’est toujours passionnée pour la psychologie et les comportements humains. Après 20 ans de travail personnel et 10 ans de formation professionnelle, l’auteure du livre « Quand un passé de passe pas » s’est installée à Montpellier et Laroque, dans une pratique d’accompagnement thérapeutique (individuel, couple et groupe). Elle est diplômée en Psychologie Biodynamique, certifiée en constellations familiales et systémiques, Thérapie par les Mouvements Oculaires.