L’énumération, cette figure de style vive et expressive, dynamise nos phrases et capte l’attention. Elle structure les idées, amplifie les messages et insuffle du rythme à l’écriture.
Découvrez comment la maîtriser pour donner plus de force à tes mots.
Définition de l’énumération
Le mot énumération provient du latin enumerare, signifiant « dénombrer dans sa totalité ».
En rhétorique, cette figure de style désigne l’accumulation ordonnée d’éléments appartenant à une même catégorie grammaticale ou syntaxique, dans le but de détailler, d’amplifier ou de rythmer le discours. L’énumération se distingue par sa capacité à mettre en lumière la richesse d’un propos, à susciter une impression d’abondance ou de variété, et à produire un effet d’insistance ou d’emphase.
Classiquement, une énumération requiert au moins trois éléments juxtaposés ou coordonnés, souvent introduits par deux-points et séparés par des virgules ou des points-virgules.
Exemple : « Les principales couleurs primaires sont : le rouge, le bleu, le jaune. » Par sa clarté et sa structure cumulative, l’énumération favorise la lisibilité du message tout en conférant une dimension esthétique à l’écriture.
Quelques exemples d’énumération
Dans le domaine littéraire, l’énumération est un procédé privilégié par de nombreux auteurs pour enrichir leurs descriptions et intensifier les effets stylistiques.
1. Charles Baudelaire – « Chant d’automne »
Dans ce poème, Baudelaire emploie l’énumération pour exprimer les effets de l’hiver sur son être :
« Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé. »
Cette accumulation de termes renforce le sentiment de malaise et d’oppression associé à l’hiver.
2. Victor Hugo – « Le Dernier Jour d’un condamné »
Victor Hugo utilise l’énumération pour décrire les objets présents dans la cellule du condamné :
« Ma cellule est une chambre de six pas de long sur trois de large, voûtée, dallée, murée de pierres de taille, avec une fenêtre à barreaux de fer, une porte en chêne, un verrou, une serrure et un judas. »
Cette liste d’éléments concrets souligne la rigueur et la froideur de l’environnement carcéral.
3. Jean Genet – « Notre-Dame-des-Fleurs »
Jean Genet emploie l’énumération pour illustrer les différentes perceptions d’un personnage par les autres :
« Tout le café pensa que le sourire de : (pour le colonel : l’inverti ; pour les commerçants : la chochotte ; pour le banquier et les garçons : la proutt ; pour les gigolos : « celle-ci », etc.) était abject. »
Cette énumération met en évidence les divers jugements portés sur le personnage en question.
4. Jacques Prévert – « Inventaire »
Dans ce poème, Prévert dresse une liste d’objets et de personnages, créant une énumération qui donne un rythme particulier au texte :
« Une pierre
Deux maisons
Trois ruines
Quatre fossoyeurs
Un jardin
Des fleurs
Un raton laveur »
Cette succession d’éléments disparates compose un tableau poétique singulier.
Ces exemples authentiques illustrent la manière dont l’énumération est utilisée par différents auteurs pour enrichir leurs descriptions et renforcer l’impact de leurs textes.
Différences entre énumération, accumulation et gradation
Bien qu’apparentées, l’énumération, l’accumulation et la gradation répondent à des logiques stylistiques distinctes.
L’énumération désigne une suite d’éléments de même nature syntaxique, présentée de façon structurée et souvent exhaustive, dans un souci de clarté ou de précision : « Il emporta une lampe, un carnet, un stylo. »
À l’inverse, l’accumulation procède d’une logique plus libre, plus spontanée, en juxtaposant un grand nombre de termes parfois hétérogènes, sans souci d’ordre ni de hiérarchie, pour créer un effet d’abondance ou de saturation : « Il hurlait, pleurait, gesticulait, tremblait, rugissait, râlait… »
Enfin, la gradation introduit une dynamique d’intensité entre les termes : les éléments sont organisés de manière croissante (gradation ascendante) ou décroissante (gradation descendante), renforçant l’émotion ou l’effet produit. Par exemple : « Il était inquiet, angoissé, terrorisé. »
Maîtriser ces nuances permet non seulement de varier les effets stylistiques dans l’écriture, mais aussi de mieux analyser les intentions des auteurs dans les textes littéraires ou argumentatifs.
Exercice sur l’énumération
Objectif pédagogique
Amener les élèves à identifier et utiliser consciemment les figures de style de l’énumération, de l’accumulation et de la gradation dans des contextes précis.
Consigne de l’exercice
- Étape 1 – Identification (5 points)
Lis attentivement les trois phrases ci-dessous et associe chaque phrase à l’une des figures de style suivantes :
a) énumération b) accumulation c) gradation
Phrases :
- Elle chantait, dansait, riait, tournait, s’arrêtait, reprenait, criait, chutait.
- Il prit son sac, son cahier, son crayon, et sortit sans un mot.
- Il soufflait, haletait, suffoquait, s’effondrait.
Note à côté de chaque phrase la figure de style correspondante et explique ton choix en une phrase.
- Étape 2 – Réécriture (5 points)
Réécris la phrase suivante en la transformant successivement selon chacune des trois figures de style.
Phrase de départ : La pièce était remplie d’objets.
- a) En une énumération (choisis 3 à 5 objets concrets)
- b) En une accumulation (amplifie la liste de manière désordonnée)
- c) En une gradation (montre une montée en intensité ou en étrangeté des objets)
Corrigé proposé
Étape 1 :
- Accumulation → La liste est longue, désordonnée, sans hiérarchie apparente, pour montrer l’agitation.
- Énumération → Liste d’objets concrets et limités, présentée de façon structurée.
- Gradation → Les termes sont organisés selon une intensité croissante (souffler → suffoquer → s’effondrer).
Étape 2 (exemples)
- a) Énumération : La pièce était remplie d’objets : une table, une chaise, une lampe, un tapis.
- b) Accumulation : La pièce débordait de chaises, de lampes cassées, de livres, de rideaux poussiéreux, de cartons éventrés, de sacs ouverts, de papiers froissés…
- c) Gradation : La pièce contenait une horloge ancienne, un cercueil, une urne funéraire, un portrait aux yeux vides.