Samuel Paty, était professeur d’histoire-géographie au collège de Conflans-Sainte-Honorine, il a été assassiné par un élève le 16 octobre 2020. En février 2023, c’est Agnès Lassalle, une professeur d’espagnol au lycée privé de Saint-Jean-de-Luz, tuée dans l’exercice de ses fonctions… Ces derniers temps la presse fait régulièrement état d’agressions extrêmement graves qui ont lieu au sein des établissements scolaires. Ce constat macabre nous interroge sur l’augmentation de l’agressivité en milieu scolaire. La dernière étude en date, fait état d’un enseignant interrogé sur cinq qui déclare avoir été agressé. Quels sont vraiment les chiffres donnés par les études sur les agressions d’enseignants ? Quelles sont les causes de l’augmentation de la violence ? Et surtout, comment faire, en temps qu’enseignant pour se protéger ? Nous répondons à vos questions et inquiétudes.
Combien d’enseignants ont été agressés en France ?
Il n’existe pas encore de données officielles sur les agressions envers les enseignants. En effet, au moment de l’enregistrement d’une plainte en France, la profession n’est pas toujours spécifiée. Cette spécification est obligatoire pour les gendarmes, mais pas pour les policiers. En conséquence, il est impossible d’obtenir une estimation précise ou des statistiques fiables à ce sujet.
Cependant, une étude menée par l’Insee en 2014 a examiné les professions exposées aux menaces et aux insultes sur une période de six ans. Elle montre qu’en moyenne 12 % des personnels de l’Éducation nationale sont confrontés à des menaces ou à des insultes dans le cadre de leur travail chaque année. Toutefois, les agressions physiques restent rares. Seulement 0,6 % des enseignants interrogés affirment en avoir été victimes. De plus, l’étude a révélé que les enseignants ne subissent pas plus de vols ou de violences physiques que les autres professions.
Toujours d’après cette étude , parmi les personnes victimes d’agressions, les enseignants déclarent beaucoup plus souvent avoir été agressés dans l’exercice de leur métier que l’ensemble des professions. En effet, dans l’Éducation nationale, 49 % des victimes de violences physiques, 64 % des victimes de menaces et 57 % des victimes d’insultes ont été agressées dans l’exercice de leur métier. Contre respectivement 31 %, 44 % et 40 % des personnes occupant un autre emploi.
Est-ce que les agressions sont en progression ?
Jusqu’à présent il est difficile d’obtenir des chiffres sur l’évolution des agressions en milieu scolaire. Toutefois la gravité des agressions fait de cette cause un sujet prioritaire pour le gouvernement. C’est pourquoi le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye s’est récemment exprimé devant le Sénat. Son propos est de « Signaler, traiter et sanctionner. »
L’une des mesures prises est donc de recenser ces phénomènes et leurs évolutions, dans le but de mieux les prévenir. Le ministre a donc présenté au Sénat deux outils mis en place par la Direction de l’évaluation de la prospective et de la performance (DEPP).
- L’enquête Sivis, (Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire) qui recueille mensuellement auprès des chefs d’établissement et des inspecteurs de l’Éducation nationale, les faits survenus dans les établissements et écoles dont ils ont la responsabilité.
- Les enquêtes de victimation, qui interrogent régulièrement les élèves et le personnel sur le climat scolaire. L’objectif est de connaître les éventuelles cas d’agressions, ou de harcèlement subi à l’école, que les actes aient eu lieu ou non.
Cependant, d’après le ministre, il n’existe pas d’augmentation des violences envers les enseignants. Pour 2021-2022, les chiffres étaient de 3 signalements pour 1000 élèves dans le premier degré. Dans les collèges, les rapports font état de 13,5 signalements pour 1000 élèves, de 5,1 dans les lycées généraux et technologiques, et enfin, 20,1 signalements pour 1000 élèves dans les lycées professionnels. Les chiffres 2022-2023, ne sont pas encore disponibles…
Quelles sont les causes des agressions ?
La cause des agressions en milieu scolaire dépend de multiples facteurs qu’il est difficile de prévenir. Ils relèvent souvent de problématiques sous-jacentes sociétales.
La première cause que l’on peut pointer est d’ordre économique. En effet, la crise économique, le taux de chômage élevé, l’inflation, sont autant de facteurs qui poussent les familles dans une forme de misère sociale. Ces problèmes sociaux créent un climat familial tendu. Les parents sont parfois obligés de multiplier les emplois ou les missions de travail, laissant leurs enfants seuls. Ces situations de stress à la maison peuvent se refléter à l’école et se traduire par de l’agressivité.
Une deuxième cause peut être liée à la facilité aujourd’hui d’accéder à la diffusion d’images violentes. Que ce soit au cinéma, à la télévision, sur le web ou dans des jeux vidéo. Les enfants tentent alors de reproduire à l’école ce qui est devenu normal à l’écran. Les réseaux sociaux aussi, ont largement contribué à favoriser les phénomènes de cyberharcèlement entre élèves. (Auquel il faut répondre rapidement par des mesures appropriés en contactant par exemple une association)
Enfin, l’une des causes peut être la santé mentale des élèves. En effet, le tueur de Agnès Lassalle, l’enseignante espagnol tuée en 2023 à Saint-Jean-de-Luz était diagnostiqué comme psychotique. Une étude menée entre 2014 et 2021 a constaté une augmentation de 49 % de la prise d’antipsychotiques, 63 % pour les antidépresseurs, 78% pour les psychostimulants, 155% pour les hypnotiques et sédatifs chez les enfants. Des chiffres inquiétants quand on sait que la prise en charge en pédopsychiatrie ne permet plus d’accueillir les mineurs dans des délais raisonnables. En effet, le délai d’attente dans cette branche de soin est de 6 à 18 mois.
Que faire pour se protéger en tant qu’enseignant ?
Le métier d’enseignant est devenu compliqué en raison de la grande responsabilité qu’il engendre, des pressions subies de toutes parts et de la faible valorisation offerte par l’éducation nationale et la société. Sans même qu’il n’y ait d’agression, cette situation conduit un nombre grandissant d’enseignants vers le burn out.
Le problème de l’agressivité à l’école c’est qu’elle peut survenir de la part d’un élève, ou d’un parent que vous n’auriez pas soupçonné capable de tels agissements. Cependant, si vous sentez que vous avez à gérer une classe difficile, tentez au maximum d’adopter une posture ferme. Utilisez des outils adaptés, pour ne pas vous laisser déborder. Établissez des règles et des attentes claires en classe :
- Définissez des règles de comportement dès le début de l’année scolaire.
- Expliquez clairement les conséquences en cas de non-respect des règles.
- Encouragez un environnement de classe respectueux et bienveillant.
Dans un même temps, pour se protéger en tant qu’enseignant, il faut essayer de maintenir une communication permanente des conflits présents au sein de l’établissement. Signalez les incidents ou les menaces mêmes mineures dès qu’ils surviennent. Collaborez avec l’administration et vos collègues enseignants pour mettre en place des mesures de sécurité appropriées. Il peut être bénéfique aussi de suivre une formation en gestion de conflit. Elle vous fera gagner en assurance auprès des élèves et vous saurez désamorcer les situations tendues.
L’Éducation nationale prévoit une protection fonctionnelle à disposition de l’ensemble des agents de la fonction publique. Elle permet d’obtenir la prise de « toute mesure exigée par les circonstances » pour faire cesser les agressions. C’est une protection qui a été accordée ces dernières années dans 77 % des demandes. Il est important de rappeler que l’institution doit à chaque enseignant la protection.
