On ne compte plus les articles, les analyses, ou encore les témoignages qui illustrent le malaise des enseignants en France. Dans notre article, “le métier de professeur des écoles que j’aime tant me fait mal”, Virginie Lamour, enseignante en CM2 et directrice d’école décrit bien l’étau dans lequel elle est prise. Quand le malaise devient trop important, que les exigences du métier viennent surpasser les capacités limites de l’enseignant : c’est l’épuisement professionnel, plus connu sous le nom de burnout. Le burn out enseignants touche entre 17 % et 28,7 %.
Qu’est ce que le burnout ?
Le terme burnout est apparu dans les années 70, pour décrire l’épuisement au travail de personnes travaillant dans le secteur de l’aide et du soin. C’est le psychiatre américain Freudenberg qui l’a conceptualisé pour la première fois en 1975. Le burnout a été l’objet de nombreuses recherches, pour aboutir sur cette définition qui met à peu près tous les psychologues/psychiatres d’accord : “le burnout se traduit par les traits d’un épuisement professionnel – à la fois émotionnel, psychique et physique – ressenti face à des situations de travail émotionnellement exigeants.” Il a un retentissement sur l’attitude et la motivation de la personne qui en souffre. Le syndrome d’épuisement professionnel est classé comme maladie dans la catégorie des risques psychosociaux professionnels. Eux-mêmes, sont définis comme un risque pour la santé physique et mentale des travailleurs.
Quels sont les signes et symptômes du burn out des enseignants ?
Le métier d’enseignant est émotionnellement très exigeant. L’enseignant se trouvent à la croisée d’un ministère lui imposant un programme ferme, des parents, et des enfants (qui sont à eux seul, émotionnellement exigeants). Les symptômes du syndrome d’épuisement professionnel sont listés dans le DSM 5, le manuel de l’association américaine de psychiatrie. Ils se traduisent sur le plan physique, émotionnel, motivationnel.
- Émotionnel : Sur le plan émotionnel, les symptômes sont de l’anxiété, une humeur triste et un manque d’entrain. L’enseignant peut devenir irritable avec ses collègues ou ses élèves, hypersensible. Ou au contraire, il peut ne plus ressentir aucune émotion.
- Cognitif : L’enseignant aura du mal à se concentrer et à mémoriser. Cela peut impacter ses performances au travail et jouer davantage sur son manque d’entrain.
- Comportemental ou interpersonnel : chez les personnes en burnout, on observe souvent un repli sur soi, allant jusqu’à l’isolement social. Elles peuvent adopter un comportement agressif, accompagné d’une diminution de l’empathie.
- Motivationnel ou lié à l’attitude : l’enseignant va progressivement se désengager et perdre toute motivation au travail. Le syndrome de l’épuisement professionnel fait tomber le moral, et fait perdre toutes les valeurs associées au travail. Il émet des doutes sur ses propres compétences, ce qui entraîne une dévalorisation.
- Physique : En plus de ses difficultés à l’école, le burnout provoque souvent des symptômes comme l’asthénie (très grande fatigue), des troubles du sommeil, des troubles musculo-squelettiques (type lombalgies, cervicalgies, etc.), des crampes, des céphalées (maux de tête), des vertiges, de l’anorexie, ou encore des troubles gastro-intestinaux. En somme, toutes sortes de symptômes liés à une forte anxiété.
Est-ce que les élèves ont vraiment changé ?
On entend souvent dire que les élèves sont de plus en plus indisciplinés, plus insolents que la génération précédente. Dans le discours populaire, l’élève actuel a reçu une éducation de plus en plus permissive. Le professeur se retrouve donc confronté à une double mission : instruire et éduquer.
Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), qui a lieu chaque année pour évaluer les performances scolaires des élèves, propose un questionnaire pour évaluer la discipline à l’école. Il en ressort qu’en 30 ans, le taux de discipline des élèves n’a pas bougé. La France fait d’ailleurs partie des mauvais élèves, en comparaison à d’autres pays ou les élèves sont beaucoup plus disciplinés, comme la Chine, qui a un système éducatif très différent du nôtre.
Ce qui est vrai, c’est que l’éducation à la maison a changé. Elle change même d’année en année. L’enfant a plus de liberté, sa place au sein de la famille est plus importante qu’il y a 30 ans. Il est fort possible que ce changement d’éducation ait un impact sur le comportement des enfants à l’école. Sans pour autant tolérer l’insolence et le non-respect, il serait temps que l’école change et s’adapte un peu aux nouveaux enjeux de la société. Le système trop coercitif d’antan ne fonctionne plus sur les enfants, il est temps de réinventer l’école du 21e siècle. Elle doit devenir une école créative et imaginative, qui se fonde sur le changement des enfants, et par extension de la société.
Comment vivre un burn-out lorsqu’on est enseignant ?
L’épuisement professionnel n’est pas à prendre à la légère. Si vous pensez souffrir du burnout de l’enseignant ou avez l’impression de reconnaître un collègue dans la liste des symptômes, il est important d’agir rapidement. La personne vivant un syndrome d’épuisement professionnel doit impérativement consulter un médecin, un médecin du travail, un psychologue. Sans un accompagnement et un traitement efficace, le burnout peut mener vers une incapacité totale de travailler. Il peut avoir des séquelles cognitives irréversibles : troubles de la concentration, troubles de la mémoire… C’est pourquoi, la Haute Autorité de Santé recommande dans un premier temps un arrêt de travail, puis un accompagnement avec un professionnel de santé adapté :
- Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
- Méditation Pleine conscience
- Psychothérapie
- Si besoin : anti-dépresseurs
Comment se sortir du burn out ?
Un enseignant atteint d’un burnout doit immédiatement consulter un professionnel de santé. Après un arrêt de travail et en se sentant suivi et épaulé par un psychologue, psychiatre, ou psychothérapeute, il est possible de se sortir du burnout de deux manières.
La première : retrouver petit à petit du sens et de la motivation dans sa fonction d’enseignant. Il est possible de vous faire muter, afin de changer d’environnement, de collègues, d’élèves. Ou alors, vous pouvez envisager votre métier différemment, et opérer des changements dans votre méthode pédagogique. Par exemple, en rendant votre classe plus intéressante pour les élèves, elle le sera plus pour vous aussi. Sinon, en retrouvant le plaisir d’enseigner, vous aiderez vos élèves à prendre plaisir à l’école, cela peut passer par un simple réaménagement de l’architecture de la classe.
De plus, vous pouvez retrouver su sens en vous inspirant des systèmes éducatifs étranger. Ou bien, des nombreuses innovations pédagogiques déjà en place, comme la classe autonome de Juline Anquetin Rault, nominée au Global Teacher Prize.
Finalement, vous pouvez consulter des ouvrages pour vous redonner une âme à votre métier, ou rejoindre des réseaux d’enseignants motivés. Votre rôle de maître, de maîtresse est primordial pour la société et dans la vie de chacun des élèves qui croiseront votre chemin.
La deuxième option, c’est la reconversion. Si le burnout a brûlé toute votre motivation dans l’enseignement. Si, la volonté de faire de l’école un lieu où se cultive l’amour d’apprendre n’a plus d’emprise sur vous. Dans ce cas, la reconversion s’impose. Et il est temps de trouver une activité qui mettra votre épanouissement personnel au premier plan. Et surtout, qui préservera l’équilibre de votre vie psychique.
Quels sont mes droits en cas de burnout ?
La mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN), a mis à la disposition des enseignants des groupes de parole et d’écoute, à travers le réseau PAS (Prévention, Aide, Suivi). Ce dispositif national de soutien psychologique, est destiné au personnel de l’Education nationale. Il est accessible 24h/24 et 7 jours/7 au 0 805 500 005. Il peut intervenir en soutien des professeurs qui ressentent déjà un mal-être sur leur lieu de travail.
Lorsque le burn out enseignant est avéré, les enseignants ont le droit de demander à leur médecin traitant un congé maladie. Toutefois, si cette solution n’est pas suffisante, l’enseignant de l’éducation nationale pourra demander sa démission, en vue d’une reconversion. Mais attention, la démission de l’enseignant n’ouvre pas de droit à allocation de retour à l’emploi, sauf pour démission légitime. Le burnout est un motif légitime, mais ce sera à votre académie de valider ou non la rupture conventionnelle.
Quelles sont les reconversions possibles ?
Un récent sondage, réalisé par le syndicat enseignant SE-UNSA auprès de 5 000 professeurs, a révélé que 45,7 % aimeraient changer de carrière. Bien souvent, les enseignants démarrent leur carrière avec des envies et des attentes, qui se trouvent être déçues à l’arrivée en poste. La charge de travail est bien plus importante que prévu. Ils ont des élèves en difficultés, sans possibilité de bénéficier d’une aide. Ils évoluent dans un environnement de travail stressant, pour un salaire insatisfaisant, voire dévalorisant, qui abouti parfois vers le burn out enseignant. Ce sont autant de raisons qui poussent les enseignants à quitter leur poste pour retrouver un peu de sérénité dans une autre carrière. Aujourd’hui, il existe de nombreux dispositifs permettant d’effectuer une formation plus ou moins longue, pour se professionnaliser dans un autre domaine.
Une fois votre rupture conventionnelle en poche, il n’existe pas de limite à ce qu’un enseignant peut devenir.
Vous pouvez opérer une reconversion dans les métiers artistiques : décoration d’intérieur, photographie, illustration, graphisme… Vous reconvertir dans un métier lié aux enfants : pédopsychiatre, psychomotricien… Vers les métiers du digital : community manager, chef de projet digital, rédaction web… En France, il est possible de reprendre des études longues à n’importe quel âge.
